Comment les intérêts économiques et stratégiques des démocraties occidentales (au détriment des droits humains) renforcent les régimes autoritaires et poussent leurs populations à émigrer

Dans le théâtre complexe des relations internationales, les démocraties occidentales se retrouvent parfois sur une scène épineuse, jouant un rôle ambigu avec des régimes autoritaires. La coopération économique, les accords militaires et les partenariats stratégiques forment une toile où les intérêts nationaux semblent parfois éclipser les principes démocratiques et les droits de l'homme. Ces compromis apparents, souvent matérialisés par des ventes d'armes ou des partenariats économiques, soulèvent une question cruciale : jusqu'où les intérêts justifient-ils l'abandon des valeurs fondamentales de démocratie et de respect des droits humains ? Examinons de plus 10 exemples concrets de  collaborations avec des régimes répressifs. Des successions de compromissions qui affaiblissent de plus en plus les démocraties occidentales et altèrent la crédibilité de leurs engagements en faveur des droits fondamentaux auprès de leurs propres peuples. Sans oublier l'impact de ces politiques des "intérêts économiques" sur les flux migratoires puisque fuyant massivement les répressions, les citoyens issus des régimes autoritaires se retrouvent, de plus en plus nombreux, illégalement, dans les pays dits démocratiques qui se retrouvent incapables d'accueillir et d'intégrer ces mouvements de populations sud-nord en constante augmentation.


1. Coopération économique avec l'Arabie saoudite

Malgré les évidences de répression des droits humains et surtout des femmes en Arabie saoudite, les démocraties occidentales maintiennent des relations économiques étroites avec le royaume. Des exemples d'exactions incluent des arrestations de militants des droits humains et la répression de la liberté d'expression.

En 2017, les États-Unis ont signé un accord de vente d'armes de 110 milliards de dollars avec l'Arabie saoudite, renforçant leur coopération économique malgré les préoccupations concernant la répression des droits humains. Cette coopération a persisté malgré l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018, illustrant une complicité économique continue.

2. Ventes d'armes à l'Égypte

Les États-Unis ont fourni des armes à l'Égypte, avec un contrat de vente d'avions de chasse F-16 en 2010, malgré les violations massives des droits de l'homme, notamment des milliers d'arrestations politiques. L'aide militaire annuelle des États-Unis à l'Égypte s'élevait à plusieurs milliards de dollars, soulignant une coopération économique substantielle. Pour rappel, la répression des militants politiques et défenseurs des droits humains a fait des centaines de victimes en 2013. Aujourd'hui encore, des milliers de militants peuplent les prisons du Maréchal Sissi réélu en décembre 2023 en tant que président de l'Égypte à l'occasion d'un scrutin auquel personne dans le monde ne croît en la régularité. Évidemment, aucune démocratie occidentale ne l'a dénoncé et toutes ces mêmes démocraties continueront, en même temps, à vendre des armes à l'Égypte et dénoncer l'arrivée massive de migrants égyptiens en situation irrégulière qui fuient la répression et la dictature égyptienne.

3. Accords migratoires avec la Turquie

En 2016, l'Union européenne a conclu un accord avec la Turquie pour gérer les flux migratoires irréguliers, fournissant une aide financière substantielle en échange de la coopération turque. Cela s'est produit malgré les préoccupations croissantes concernant la répression des droits de l'homme en Turquie, notamment après le coup d'État manqué en 2016. Ces accords et ces échanges économiques et politiques n'empêchent, paradoxalement pas, les Turques (en très grande majorité des Kurdes) de toujours figurer dans le Top 5 des demandeurs d'asile en France. La répression des nationalistes Kurdes par la Turquie engendre des dizaines de milliers de migrants en situation irrégulière ou régulière en France, en Allemagne ou dans d'autres pays de l'union européenne chaque année.

4. Accords avec des gouvernements africains autoritaires

La France a été critiquée pour son soutien au président tchadien Idriss Déby jusqu'à sa mort en 2021, malgré les accusations de répression politique. Les accords de coopération sécuritaire ont persisté, illustrant une coopération économique et politique malgré les violations des droits de l'homme. Le cas du Tchad n'est pas unique, le Sénégal, la côte d'ivoire, le Gabon ou le Bénin sont dans le même cas. Cette proximité avec des régimes autoritaires est, entre autres, le principal facteur dernière l'émigration vers la France. La proximité linguistique et historique font de la France le pays de prédilection pour tout candidat migrant pour s'installer régulièrement ou irrégulièrement en France.

5. Le cas de l'Afrique du Sud de la ségrégation raciale et de l'apparteid

Dans le triste chapitre de la coopération avec des régimes autoritaires, l'Afrique du Sud à l'époque de l'apartheid offre un exemple saisissant où les intérêts économiques ont souvent relégué les principes démocratiques. Dans les années 1980, alors que le monde entier condamnait le système de l'apartheid, des démocraties occidentales ont maintenu des liens économiques avec le régime sud-africain. Un exemple notable est le contrat signé en 1971 entre la France et l'Afrique du Sud pour la construction de la centrale nucléaire de Koeberg. Cette coopération économique a persisté malgré les protestations internationales et les sanctions anti-apartheid. Des entreprises françaises, telles que Framatome, ont été impliquées dans ce projet, jetant une lumière crue sur la manière dont les contrats de coopération peuvent parfois primer sur les principes éthiques.

Toujours, ans le cadre des relations économiques avec l'Afrique du Sud pendant l'apartheid, plusieurs pays occidentaux ont également été impliqués dans des contrats de coopération controversés. En 1970, par exemple, le Royaume-Uni a signé un accord militaire avec l'Afrique du Sud, connu sous le nom de "Simonstown Agreement" facilitant la coopération navale entre les deux nations. Cet accord a perduré jusqu'en 1975, malgré les protestations internationales contre la politique raciale discriminatoire de l'apartheid. La coopération militaire, bien qu'ayant un objectif stratégique, a été critiquée pour son apparente tolérance envers un régime en violation flagrante des droits humains.

Tous ces contrats, impliquant des pays occidentaux comme le Royaume-Uni ou la France, soulignent l'ambivalence des relations internationales où les intérêts éclipsent sans scrupules les préoccupations éthiques. Ces politiques s'appuyant quasi exclusivement sur des considérations et priorités nationales, au détriment des populations locales, finissent, aujourd'hui, progressivement, à provoquer l'effet contraire. En effet, la vague des fuites irrégulières de populations entières issues de pays autoritaires se fait de plus en plus ressentir en occident qui n'arrive plus à la contenir et à intégrer les migrants comme autrefois. Le mécontentement des opinions publiques occidentales est total et l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite nationaliste en Europe et en Amérique du nord est inexorable. Les migrants en situation irrégulière ou régulière qui fuient vers les démocraties occidentales vont-ils être à l'origine d'une transition, d'un nouveau cap civilisationnel dans le monde ?

6. Collaboration avec le gouvernement chinois

En 2020, l'Union européenne a conclu un accord d'investissement avec la Chine, suscitant des inquiétudes quant à la coopération économique malgré les allégations de violations massives des droits humains, notamment la répression au Xinjiang contre les Ouïghours. Au delà de ce cas précis de partenariat avec la Chine du parti unique, c'est plus globalement la sous-traitance de quasiment toute la fabrication des biens et services qui est dévolue à la Chine qui interroge. Malgré la censure, malgré la répression des militants politiques et associatifs ou encore l'absence de démocratie parlementaire, l'occident coopère avec la Chine le plus tranquillement du monde. Cette politique l'hypocrisie avec la Chine est, elle aussi, et en premier lieu, l'une des premières causes de la fuite des Chinois vers l'Europe et l'Amérique du Nord en quête de libertés. Beaucoup de ressortissants chinois se retrouvent ainsi migrants en situation irrégulière ou régulière en occident.

7. Soutien aux gouvernements d'Amérique latine

Pendant la guerre froide, les États-Unis ont soutenu le gouvernement militaire chilien d'Augusto Pinochet, notamment avec une assistance économique et militaire. Cela s'est poursuivi malgré les violations massives des droits de l'homme, avec des milliers de personnes détenues, torturées ou tuées pour des raisons politiques. Ce soutien à la dictature chilienne a poussé des millions de Chiliens à quitter le pays, notamment en Espagne et dans des pays voisins. Des dizaines de milliers, à défaut d'obtenir le statut de réfugié, se sont retrouvés sans papiers, des migravts en situation irrégulière.

8. Partenariats avec des pays d'Asie centrale


L'Union européenne a, par exemple, établi des accords énergétiques avec le Kazakhstan, malgré les préoccupations relatives à la répression politique dans le pays. Parmi ces coopérations, le partenariat dans le cadre du "Programme indicatif énergétique Kazakhstan-UE" signé en 2007, visant à renforcer la coopération dans le domaine de l'énergie. Ce programme englobait des initiatives de diversification énergétique, d'efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables

Ces partenariats économiques ont persisté, mettant en évidence une coopération malgré les violations des droits humains. Les Kazakhs, comme les autres citoyens Issus de régimes autoritaires, sont très nombreux à émigrer illégalement vers l'Europe où, soit ils obtiennent le statut de réfugié politique soit ils deviennent des migrants en situation irrégulière.

9. Relations avec l'État d'Israël

En 2016, les États-Unis ont signé un Memorandum of Understanding (MOU) avec Israël, garantissant une assistance militaire de 38 milliards de dollars sur 10 ans. Cela s'est produit malgré les préoccupations internationales concernant les actions d'Israël, y compris les restrictions imposées aux Palestiniens. Cet appui économique et militaire d'un État en dépit de ses violations des résolutions de l'ONU d'une part et de sa politique colonialiste dans les territoires occupés palestiniens à fini en guerre en 2023. Une guerre dont l'une des conséquences, encore une fois, est le déplacement forcé de populations, la pauvreté ou encore épidémies et, hélas, des milliers et des milliers de victimes.

10. Coopération avec des régimes autoritaires en Afrique subsaharienne

Parmi les exemples de coopération entre les démocraties occidentales et les régimes autoritaires, le soutien à des gouvernements en Afrique subsaharienne révèle une dynamique délicate où les intérêts économiques et géopolitiques s'entremêlent souvent avec les valeurs démocratiques. Un exemple saillant réside dans la relation entre la France et le Cameroun. Malgré les préoccupations croissantes concernant la répression politique et les violations des droits humains sous la présidence de Paul Biya, la France a maintenu une coopération étroite, y compris des accords de coopération militaire. En 2019, la France a livré des armes au gouvernement camerounais, suscitant des critiques pour son implication présumée dans un contexte de répression politique et de conflits internes.

Dans les années 2000, les États-Unis ont apporté un soutien substantiel à l'Éthiopie en matière de sécurité, notamment dans le contexte de la lutte contre le terrorisme dans la Corne de l'Afrique. En 2006, malgré les préoccupations liées à la gouvernance autoritaire du gouvernement éthiopien, les États-Unis ont maintenu leur coopération en fournissant une assistance militaire et en reconnaissant l'importance stratégique de l'Éthiopie dans la région.

Le Rwanda est également un exemple éclairant. En effet, bien que souvent considéré comme un succès économique, le Rwanda a été néanmoins beaucoup critiqué pour sa gouvernance autoritaire. Le Royaume Uni, les États-Unis et d'autres pays occidentaux ont maintenu des relations avec le Rwanda malgré des préoccupations liées aux droits humains. En 2018, le président français Emmanuel Macron a visité le Rwanda, marquant une tentative de normalisation des relations entre les deux pays après les différends autour du génocide rwandais. Ces exemples, bien que variés dans leur nature, mettent en lumière les compromis complexes entre les démocraties occidentales et les régimes autoritaires en Afrique subsaharienne. Il faut à la fois maintenir une stabilité régionale, préserver les marchés locaux pour les entreprises occidentales et ne pas trop braquer des apprentis dictateurs pour ne pas les pousser à la rupture. Néanmoins, ces stratégies n'ont aucune chance de perdurer dans le temps tellement les incidences catastrophiques sur les populations locales sont évidentes. Si catastrophiques et si évidentes que des centaines de milliers de migrants en situation irrégulière arrivent, au péril de leur vie, aux frontières de l'union européenne et des pays de l'Amérique du Nord.

Conclusion

L'examen de la coopération entre les démocraties occidentales et les régimes autoritaires révèle une triste réalité où les intérêts économiques et stratégiques, souvent, prévalent sur les principes démocratiques et les droits humains. Ces politiques, souvent perçues comme hypocrites, engendrent des conséquences graves pour les populations vivant sous des régimes autoritaires. Le soutien économique, militaire et politique fourni par les démocraties occidentales contribue à perpétuer des gouvernements répressifs, sacrifiant ainsi les aspirations des citoyens locaux à la liberté et à la démocratie.

Ce compromis apparent entre valeurs et intérêts se traduit également par un impact significatif sur la mobilité des populations, alimentant une spirale d'immigration irrégulière. Les migrants en situation irrégulière, souvent contraints de fuir des environnements politiques hostiles, sont la manifestation tangible des conséquences néfastes de ces politiques ambiguës. Les choix stratégiques et les compromis économiques des démocraties occidentales, bien qu'ayant des implications immédiates, laissent également un héritage de déplacements massifs, de souffrances humaines et de tragédies qui touchent directement les individus contraints à l'exil.

En négligeant les principes fondamentaux au nom de la realpolitik, les démocraties occidentales non seulement compromettent leur légitimité morale, mais contribuent également involontairement à l'ampleur des migrants en situation irrégulière. C'est dans cette dialectique complexe entre les choix politiques et les réalités sur le terrain que se dessine le tableau des conséquences à long terme de ces alliances ambiguës. Il devient impératif de repenser ces politiques afin de concilier les intérêts nationaux avec les valeurs qui fondent les démocraties occidentales, tout en reconnaissant la responsabilité collective de prévenir les déplacements forcés et de promouvoir un ordre mondial plus équitable. 

Mon dernier livre "Flux migratoires incontrôlés : En finir avec l'impuissance politique" aborde encore plus en profondeur l'impact des complicités des régimes, aussi bon dits démocratiques que dictatoriaux, sur la non régulateurs flux migratoires Sud-Nord. Quelqu'en soient les raisons et les motivations, légitimes ou pas, la coopération des démocraties avec les régimes autoritaires, qui bafouent les droits fondamentaux de leurs peuples,  entraîne, logiquement et systématiquement, le mouvement, par tous les moyens, des populations vers les pays les plus développés économiquement et socialement : c'est le processus de création de migrants en situation irrégulière ou régulière.  

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