La tendance à l'externalisation du traitement de l'immigration irrégulière, est-elle efficace ?
Dans un contexte où les flux migratoires continuent de poser des défis majeurs à l'Europe, la quête de solutions efficaces se tourne de plus en plus vers des partenariats avec des pays tiers. L'accord entre l'Union européenne et la Tunisie, bien que toujours en cours de mise en œuvre, représente un exemple significatif de cette stratégie. Toutefois, d'autres nations telles que l'Égypte ou le Rwanda, avec son récent accord avec l'Angleterre, entrent également dans cette dynamique.
L'approche européenne envers l'immigration irrégulière vise à externaliser une partie de la gestion de ces flux en déléguant des responsabilités à des pays tiers et à des organisations internationales.
Le but étant de contrôler les mouvements migratoires en retenant ou en envoyant les migrants hors d'Europe pour étudier leurs dossiers, voire organiser leur rapatriement vers leurs pays d'origine. Ces procédés font hurler les organisations de défense des droits humains qui, entre autres, dénoncent le non-respect des conventions internationales et des droits fondamentaux.
Les accords de coopération signés par l'Union avec la Tunisie (été 2023) puis avec l'Égypte (début 2024) visant à retenir et prendre en charge, le temps d'étudier leur situation, les migrants irréguliers, s'inscrivent, plus largement, dans une stratégie européenne visant à sous-traiter la gestion de l'immigration irrégulière.
L'externalisation de la gestion migratoire nécessite également des partenariats avec des instances internationales telles que l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) ou le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Ces organisations jouent un rôle essentiel dans le traitement des demandes d'asile et la prise en charge des demandeurs dans les pays tiers.
Cependant, cette stratégie soulève des préoccupations majeures, par exemple, en Tunisie, où les tensions socio-économiques internes se mêlent à la pression croissante de devenir un centre de transit géant Afrique-Europe. Les récentes déclarations du président Kaïs Saïed stigmatisant les migrants ont contribué à créer un profond malaise dans le pays et à l'international. De plus, la Tunisie ne possède ni l'argent nécessaire ni les capacités d'accueil suffisantes pour les 50 à 70 000 migrants en situation irrégulière estimés actuellement en Tunisie. Un chiffre en augmentation continue. Le pays n'offre ni le statut de demandeur d'asile ni celui de réfugié à ceux se trouvant sur son sol. Les associations humanitaires tunisiennes n'hésitent pas à dénoncer ces contradictions et cette réalité intenable dans le temps. D'un côté l'Europe "paie" une Tunisie pour "empêcher " les migrants en situation irrégulière de rejoindre l'Europe mais de l'autre côté, ce pays a déjà beaucoup de mal avec ses propres citoyens et sa propre situation économique intérieure difficile.
En Égypte, les conditions précaires des migrants irréguliers soudanais à la frontière soulèvent également des inquiétudes quant au respect de leurs droits humains fondamentaux. Malgré cela, le gouvernement égyptien semble disposé à respecter les accords similaires à ceux de la Tunisie signés début 2024, en échange d'avantages économiques comme un prêt de 5 milliards d'euros et une aide de plusieurs millions d'euros. Comme la Tunisie, l'Égypte est confronté à un endettement extérieur record et à une crise sociale et économique aiguë qui pousse ses propres citoyens à fuir. Mais l'union européenne décide quand-même de "payer" le régime de Sissi pour qu'il empêche les soudanais et les subsahariens fuyant l'insécurité dans leurs propres pays de regagner l'Europe.
Le cas du Rwanda représente un nouveau type de partenariat dans la politique migratoire de l'Europe. L'accord entre le Rwanda et l'Angleterre démontre que les pays européens sont prêts à épouser de nouvelles apptoches pour traiter les problèmes liés à l'immigration irrégulière. Cette externalisation au Rwanda du traitements des dossiers de migrants arrivés irrégulièrement au Royaume-Uni et leur prise en charge, a suscité beaucoup de critiques et de nombreux recours juridiques. Après plusieurs années de procédure, un premier demandeur d'asile arrivé en Angleterre a été renvoyé vers le Rwanda en avril 2024 pour se voir traîter sa demande d'asile sur place.
Pour conclure, je dois avouer que je trouve très curieux et hypocrite que l'Europe préfère payer des régimes autoritaires de pays tiers pour retenir des citoyens qui ne sont pas les leurs alors que ça devrait être de la responsabilité du pays d'origine de récupérer ses ressortissants. Les pays d'origine qui refuseraient ou rechigneraient à le faire, devraient subir des mesures de rétorsion fortes comme des embargos ou des interdictions de territoire de leurs dirigeants.
Les pays européens, au lieu de continuer à dérouler le tapis rouge aux dirigeants autoritaires des pays source d'immigration et à leur vendre leurs armes ou leurs voitures, par exemple, devraient leur couper les vivres pour les obliger à réformer leurs pays pour les rendre plus attractifs et retenir leurs citoyens surplace. Ce serait un traitement de fond et à long terme de l'immigration irrégulière et plus globalement des flux migratoires internationaux.