L'Europe peut-elle réussir à mieux contrôler les flux migratoires avec des dirigeants à droite toute de la trempe de Giorgia Méloni ? '

Sous l'impulsion et la forte implication, reconnaissons-le, de la première ministre italienne Giorgia Méloni, l'Union européenne (UE) a conclu plusieurs accords de partenariat avec des États tiers, connus et reconnus comme principaux pays de départ de migrants irréguliers. L'objectif clairement affiché étant la lutte contre l'immigration irrégulière en contrepartie d'un soutien économique et financier. Tout ceci dans le cadre "politiquement correct" d'un "partenariat  stratégique" dans la région méditerranéenne notamment.


Dans le dernier "partenariat stratégique" en date, signé le 17 mars 2024, en grandes pompes, au Caire, avec l'Égypte du Maréchal Al Sissi, l'UE s'est engagée sur une enveloppe  substantielle de 7,4 milliards d'euros. 5 milliards de prêts, 1,8 milliards sous forme d'investissements, 400 millions d'aides pour des projets bilatéraux et, enfin, 200 millions d'aides en lien avec les questions migratoires.


Il est très clair que l'union européenne profite de la grave crise économique et financière que traverse l'Égypte pour lui imposer ses exigences en matière de contrôle des départs  irréguliers de migrants depuis les côtes égyptiennes. C'est exactement ce qui s'est déjà passé durant l'été 2023 avec la Tunisie et la Mauritanie. L'Algérie, un autre grand pays source de migrants irréguliers n'a vu aucun partenariat stratégique ou autres contraintes lui être imposés en contrepartie du contrôle de ses frontières tout simplement car ce pays n'est pas endetté. L'Égypte a triplé sa dette extérieure en 3 ans pour atteindre aujourd'hui plus de 168 milliards de dollars. Le service de la dette constitue aujourd'hui l'un des premiers postes des dépenses budgétaires du pays.


Cet accord, et le déblocage d'au moins 1 milliard des 5 prévus par le prêt avant la fin 2024, est vital pour l'économie de l'Égypte surtout face à la chute de ses recettes issues de la traversée du canal de Suez qui ont chuté de plus de 50% à cause de la guerre a Gaza et surtout à cause des attaques des Houttis yéménites en mer rouge.


Les organisations de défense des droits humains prennent l'exemple de la Tunisie pour dénoncer et l'inefficacité des mesures contre les flux migratoires et le non respect des droits des migrants et notamment des demandeurs d'asile. Leur principal grief est le refoulement et l'empêchement automatique des migrants en partance irrégulièrement vers l'Europe de continuer leur route. Car les autorités tunisiennes et bientôt égyptiennes ne font pas le distinguo entre un vrai candidat migrant à l'asile parce que persécuté et pourchassé dans son pays et les candidats à l'émigration économique. Même si elles le voulaient, ni les autorités tunisiennes ni égyptiennes ni mauritaniennes, n'auraient les moyens de recevoir puis d'intégrer dignement les demandeurs d'asile. La convention de Genève les y oblige pourtant. Mais comment attendre d'apprentis-dictateurs tels Al Sissi d'Égypte ou Kais Saied de Tunisie qu'ils veuillent respecter la convention de Genève alors qu'ils piétinent quotidiennement leurs propres constitutions en jetant en prison toutes les personnes osant s'opposer pacifiquement à leurs politiques.


C'est durant l'été 2023, donc, que l'UE avait également conclu un accord de partenariat avec la Tunisie pour lutter contre l'immigration clandestine. Malgré les préoccupations concernant les tendances autoritaires en Tunisie et les violations des droits de l'homme, l'UE a octroyé une aide financière et matérielle de près de 600 millions d'euros pour renforcer le contrôle aux frontières. Cependant, ces mesures ont soulevé et soulèvent toujours des questions sur le respect des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d'asile en Tunisie.


L'Italie de Giorgia Méloni a voulu également renouveler le "succès" d'un accord précédent avec la Turquie qui a permis de réduire de 56% les flux migratoires irréguliers depuis la Libye (la Turquie est non seulement une partie prenante dans la Libye d'aujourd'hui mais également une bonne partie des migrants venant de Libye vers l'Italie sont passés au préalable par la Turquie). À la suite d'une rencontre, en janvier 2024, entre la Première ministre italienne et le président turc, l'Italie a exprimé son optimisme quant à la possibilité de renouveler un partenariat basé sur le renforcement de la coopération avec la Turquie dans divers domaines, notamment la défense, l'économie et la gestion des migrations.

Tout comme pour la Tunisie ou l'Égypte, ces accords soulèvent des questions sur les implications à long terme, notamment en ce qui concerne les droits des migrants mais aussi le rapport de forces et la stabilité dans cette partie de la Méditerranée.


Tous ces accords de partenariat entre l'Union européenne et ces pays tiers sources d'immigration irrégulière, illustrent parfaitement les limites d'une politique européenne, et plus globalement occidentale, basée sur des partenaires-dictateurs. Donc, concrètement, des pays "démocratiques" comptent sur des régimes autoritaires pour empêcher leurs citoyens et d'autres citoyens "précaires" de quitter leurs territoires. Alors même que c'est à cause de Sissi, Esaied et des dirigeants des pays autoritaires que les gens partent. C'est dire à quel point cette "stratégie" ne peut mener qu'à un "échec".

Le coeur de mon dernier livre ("Flux migratoires incontrôlés : En finir avec l'impuissance politique" disponible au téléchargement sur la Fnac ou sur amazon), c'est de démontrer le caractère électoraliste et éphémère de ce genre de "partenariats stratégiques" avec des régimes autocratiques. Je propose également dans cet essai, des solutions de fond comme par exemple contraindre, avec des sanctions, des saisies de biens mal acquis et autres embargos, ces dirigeants autoritaires à plus de respect des droits humains et moins de corruption. Entre autres.  

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