France : Les demandes d'asile en hausse, les Afghans en tête
L'année 2023 a renoué avec la tendance haussière des premières demandes d'asile, les Afghans en tête des demandeurs pour la 6e année consécutive
En 2023, selon les chiffres publiés en 2024 par l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), l'Afghanistan maintient sa position en tant que premier pays d'origine des demandeurs d'asile, avec plus de 17 500 premières demandes. Suivent ensuite et dans l'ordre : les Bangladais (8 600), les Turcs (8 500), les Congolais -République démocratique du Congo- (8 000) et les Guinéens -République de Guinée- (7 000).
La demande totale de protection internationale a augmenté de 8,6% par rapport à 2022, marquant un retour à la tendance haussière d'avant la pandémie COVID. Près de 142 500 demandes de protection internationale ont été déposées en 2023 en France dont 123 400 premières demandes.
En Guyane française (5 200 premières demandes reçues en hausse de 102% par apport à 2022), les Afghans représentent 19% de ces près de 5 200 premières demandes juste derrière les Haïtiens (28%) et les Syriens (21%).
Le taux de protection a atteint près de 33% en 2023, avec un délai moyen de traitement réduit à 4,2 mois. Un taux de protection de 33% signifie qu'un seul demandeur sur 3 a bénéficié du statut de réfugié ou d'apatride et que, donc, 2 sur 3 se voient déboutés de leurs demandes. La quasi majorité de ces déboutés ne repartiront pas dans leur pays d'origine ni seront reconduits à la frontière. Ils finiront migrants en situation irrégulière. Cette quasi-impossibilité à expulser les déboutés de l'asile constitue un épineux et redondant point de blocage politique. Cette question est largement analysée dans mon dernier livre "Flux migratoires incontrôlés : En finir avec l'impuissance politique" et des solutions concrètes et pragmatiques y sont proposées.
Nous nous souvenons tous de l'été 2021 et le retrait définitif des Américains de l'Afghanistan et de ces imagés de milliers de personnes fuyant le pays face au retour des talibans au pouvoir. Ces scènes et ce retour en force des extrémistes religieux à Kaboul faisaient craindre, à juste titre, une nouvelle crise migratoire majeure aux pays de l'union européen'ne. La pandémie du COVID a certainement évité cet afflux massif, tant redouté, des réfugiés Afghans en 2021 mais les années 2022 et 2023 ont renoué avec les tendances à la hausse déjà constatées et confirmées avant 2020 et la crise COVID. Les chiffres publiés par l'OFPRA le 22 janvier 2024 évoqués au début de l'article (et même s'ils ne sont pas encore définitifs) l'officialisent. Les données de l'OFPRA confirment également que les Afghans représentent, pour la 8e année consécutive, la première nationalité parmi les demandeurs de protection. La crise migratoire crainte est donc bien là, mais silencieuse et diffuse.
Penchons-nous maintenant un peu sur la route qui mène les futurs migrants ou réfugiés de l'Afghanistan jusque dans l'Union européenne.
De l'Afghanistan à la Turquie en passant par l'Iran
L'Afghanistan est un pays difficilement contrôlable, une règle qui s'applique aussi bien aux anciens qu'aux nouveaux maîtres de Kaboul. Les Russes comme les Américains pourront en témoigner. Ce n'est pas seulement une question politique et sociale, liée au fait que dans ces régions, les liens tribaux prévalent historiquement sur les nations, les États et les idéologies. La géographie elle-même rend le territoire difficilement soumis. Ainsi, entre les mailles serrées des talibans récemment revenus au pouvoir, beaucoup ont profité des periodes passées pour disparaître, que ce soit parmi les plateaux, les montagnes ou les zones inhospitalières. On peut voyager en voiture ou à pied avec des groupes de concitoyens. L'objectif pour ceux qui se mettent en mouvement est clair : atteindre la frontière avec l'Iran. Pas pour y rester, bien sûr mais pour atteindre l'Europe et décrocher l'asile ou même rester migrants en situation irrégulière Depuis le pays des ayatollahs, on peut se diriger vers une autre frontière, celle avec la Turquie. Avec le retour au pouvoir des "étudiants coraniques, les passeurs et les trafiquants impliqués dans la gestion de l'immigration et le trafic humain entre l'Iran et la Turquie se sont activés, percevant une opportunité d'accroître ou de renouer avec leurs affaires. Les organisations criminelles opèrent depuis les endroits les plus reculés de la frontière afghano-iranienne et à l'intérieur des grandes villes iraniennes. Elles mettent à disposition leur personnel et leurs moyens pour que les Afghans, futurs réfugiés ou migrants en situation irrégulière, atteignent la Turquie le plus rapidement possible.
Les réfugiés arrivent dans les villages autour du lac d'Urmia, et de là, la frontière turque est à quelques kilomètres . L'entrée sur le territoire turc active à son tour les cellules criminelles locales, spécialisées dans l'acheminement de migrants en situation irrégulière, stationnées de l'autre côté de la frontière. Celles-ci accompagnent les migrants vers certains ports importants de l'Anatolie : Mersin, Canakkale, Babakele qui ne sont que quelques-uns des arrêts impliqués dans le trafic d'êtres humains dans la route afghane. Un commerce très actif et une des principales porte d'entrée vers l'Europe.
À bord des voiliers vers l'Italie
Lors de la crise migratoire syrienne de 2016, depuis la Turquie, on remontait par voie terrestre vers le nord de l'Europe via la route des Balkans. L'Allemagne a ensuite décidé d'essayer de mettre fin à ce flux politiquement gênant, persuadant l'UE de verser trois milliards d'euros par an à Ankara pour que Erdogan sécurise les frontières. Cette route est toujours très utilisée, mais les chiffres semblent significativement réduits.
Les trafiquants turcs ont alors décidé depuis plusieurs années de se tourner vers la mer. Ils disposent de voiliers, parfois même de yachts, bien loin des petits canots souvent vus le long des routes libyennes et tunisiennes. Ces embarcations sont coûteuses, non pas pour offrir aux migrants le confort d'un voyage normal, mais plutôt pour éviter d'attirer l'attention. Les voiliers des passeurs pourraient se confondre avec ceux des touristes entre la mer Ionienne et la mer Égée.
Conclusion
Rien n'empêchera les routes de l'exode (Balkans , Afghane, méditerranée orientale ou occidentale, iles Canaries etc) tant que la misère continuera à régner dans certaines parties du monde et pas d'autres.
L'humanité, voire la vie elle-même, a été construite sur des Histoires de migrations et de mouvements de vie. Aujourd'hui, ce n'est pas les flux qui devraient poser question mais les conséquences qu'ils pourraient avoir sur la vie s'ils n'étaient pas régulés. Réguler des flux migratoires ne devrait pas signifier le refus d'accueillir l'autre mais pour éviter justement d'arriver à en faire un bouc émissaire et favoriser la haine entre les êtres humains. Trouver les moyens institutionnels et justes pour permettre à toutes et à tous de quitter son pays par choix et non pas pour fuir à tout prix en risquant sa vie et alimentant la haine de celui qui le reçoit, forcé. Des solutions concrètes et humaines existent et je les relate dans mon dernier livre "Flux migratoires incontrôlés : En finir avec l'impuissance politique".
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